jeudi 2 décembre 2010

Le (fabuleux) destin de Mary Read

Mary Read (1690?-1721) est sans nul doute, avec Anne Bonny, l'un des femmes les plus célèbres de l'Histoire. Ou même si ce n'est peut-être pas le cas, de par son vécu, elle mérite de l'être. Je fais donc appel à vous, en quelque sorte, pour raconter à tous la vie incroyable de cette femme qui bouleversa à son niveau tous les postulats sexistes du XVIIIe siècle.

Fait peu courant à l'époque, Mary Jane Read, aimait s'habiller/se travestir en homme. Certainement pour jouir de la liberté indéniable qu'offre le sexe masculin au siècle des Lumières. Car être une femme à cette période, implique beaucoup plus de pression et d'obligation (familiale, sociale...) qu'aujourd'hui. Et ce goût pour le travestissement, c'est sa mère qui en est à l'origine. Veuve et sans le sou, elle commença à l'habiller comme un garçon, à la mort de son fils Willy, pour continuer à percevoir le soutien financier de la grand-mère de Mary, qui était destiné à l'aîné. C'est d'ailleurs en tant qu'« homme » qu'elle trouva son premier travail comme valet-de-pied. Elle n'y resta guère longtemps, préférant allègrement s'engager dans l'armée. Quoi de plus naturel me direz vous, hein ? C'est à se demander si les gens qui la rencontraient avaient des yeux et des oreilles. Quoiqu'il en soit, dans l'armée, elle y rencontra son premier époux. Ensemble, ils ouvrirent une auberge qu'ils appelèrent « L'auberge des trois fers à cheval » à Breda aux Pays-Bas. Mais l'aventure n'a pas duré longtemps, car son mari décéda quatre ans plus tard. L'auberge ferma.


Le choix de vivre autrement

Mary revêtit alors, à nouveau ses habits d'homme, pour commencer une autre vie, s'engageant à bord d’un navire marchand hollandais sous le nom de Willy Read, le prénom de son frère. Le bateau sur lequel elle vécut sous son nom masculin, fût, parait-il, attaqué et capturé par des pirates anglais. On ignore pourquoi et comment elle a rejoint ces pirates qu'elle aurait accompagné jusqu’à New Providence aux Bahamas. Etait-ce le goût de la liberté ? Etait-ce sa façon de revivre après le décès de son mari ? Etait-ce la possibilité de vivre sans attaches, sans s'occuper des conséquences de ces actes ? On peut comprendre aisément pourquoi elle aspirait à cette vie. On a tous, à un moment donné, agi, sans s'occuper des convenances et des conséquences que cela pouvait impliquer, pour tout simplement se libérer. Et c'est ce qu'elle a fait. Tout le reste de sa vie. Préférant s'habiller en homme, car cela lui rendait la chose plus facile. Cela lui offrait plus de possibilités qu'elle ne pouvait en avoir en étant femme.

Des rencontres déterminantes

La vie de Mary, ensuite, ressembla étrangement à un film. Amour, trahison, combats, trésors, et passion. Lors de ce voyage aux Bahamas, elle rencontra Jack Rackham, plus connu sous le nom de Calico Jack et Anne Bonny qui se faisait appeler Adam Bonny. Et elle aussi, endossait avec facilité des habits d'hommes. Jack Rachkam engagea alors Mary Read croyant avoir affaire à un garçon du nom de Mark Read. C'est à partir de cette période et jusqu'à la mort de Mary, qu'on ne put dissocier Mary d'Anne Bonny. Ces deux femmes sympathisèrent aussitôt. Ca se comprend. Ce n'était pas courant à l'époque, de rencontrer une femme qui utilisait les mêmes stratagèmes que vous. Mais, il n'est pas sûr, que Mary et Anne eut une relation. L'homosexualité n'était pas rare parmi les pirates, mais sévèrement punie. Néanmoins, des tensions seraient survenues sur le Revenge (navire sur lequel ils naviguaient). Calico Jack savait pertinemment le véritable sexe d'Anne Bonny, vu que cette dernière a été son amante bien avant sa rencontre avec Mary. Il convient alors d'utiliser le mot « jalousie » pour qualifier le ressentiment de Jack Rackham devant l'étrange « amitié » qui liait Mary et Anne. Il aurait été jusqu'à menacer de trancher la gorge de Mark (Mary). On ignore comment Calico Jack aurait découvert le réel sexe de Mary*. Certains racontent qu'il les aurait surprises dans leurs ébats amoureux, mais cette histoire relève plus du fantasme que de la réalité historique. Dans tous les cas, Mary arrête bientôt de se faire appeler Mark, mais les deux femmes restent inséparables et vivent comme un couple, s'habillant indifféremment en homme ou en femme. Ces deux principales rencontres furent déterminantes pour la suite de l'histoire de Mary. Elle ne s'est jamais séparée de ces compagnons pirates. Elle y a peut-être trouvé un certain équilibre.

Peu de temps après, plusieurs bateaux de guerre britanniques sont envoyés à leur poursuite. Je vous rappelle que la piraterie est illégale. Mais, ce n'est pas ça qui pourrait impressionner Rackham, Anne Bonny et Mary Read. Ils attaquèrent et capturèrent sans relâche les navires qui passèrent à portée. Ils prirent avec eux, un homme, Matthews, charpentier, qui deviendra par la suite, l'amant de Mary avec qui elle aura un enfant. Mais l'enfant, on s'en tape. Ils l'abandonnèrent en chemin. La piraterie n'est pas faite pour les enfants. Et d'ordinaire, elle était interdite aux femmes.

Naviguant, sur toutes les mers du globe et plus particulièrement dans les Caraïbes, le trio infernal, pilla, tua (ou pas), tout ce qui se trouvait sur son passage. Anne Bonny démontra alors avec brio ses multiples talents de duperie. En témoigne cet épisode : Souvenez-vous, ils sont toujours recherchés par les britanniques. Le Royal Queen, appartenant à Chidley Bayard (un ancien amant d'Anne) et commandé par le capitaine Hudson, les pourchasse. Anne parvient à séduire Hudson et à le convaincre de la prendre avec lui à bord de son navire. Sur le bateau, elle évita de passer la nuit avec lui en le droguant. Durant cette fameuse nuit, elle aspergea avec de l'eau toutes les mèches des canons pour les empêcher de riposter. Et elle retourna, ni vu, ni connu, avec les pirates. Et le jour suivant, le Revenge engage le combat avec le Royal Queen, alors incapable de riposter. La bataille fera cependant une seule victime : le capitaine Hudson tué par Mary par simple jalousie. C'est à n'y rien comprendre. Madame se tape le charpentier, et après par jalousie elle tue un vieux soupirant d'Anne...On ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre, et le sourire de la crémière ! Mais faut croire que pour Mary, si. Quoiqu'il en soit, cet évènement révèle avec superbe, la détermination de ces deux femmes, à combattre leur ennemis avec davantage de témérité et de fougue que leurs homologues masculins.

Une descente aux enfers

En octobre 1720, les troupes du capitaine Barnet, envoyées par le gouverneur de la Jamaïque, capturèrent Rackham et son équipage (dont Mary Read et Anne Bonny). Les deux femmes, dégoutées de voir que les pirates n'opposaient que peu de résistance, elles en tueront deux et en blesseront plusieurs dont Rackham. Certains récits s'accordent à dire que la plupart de ces hommes étaient ivres. Il ne faut pas mettre des femmes en colère, surtout pas elles. Après plus d'une heure de combat, les troupes du capitaine Barnet vinrent à bout de Mary Read et Anne Bonny.
Condamnées pour meurtres, pillages et compagnie, les deux femmes devaient être pendues. En prétextant qu'elles étaient enceintes (pratique courante de l'époque), elles évitèrent leur châtiment. Cependant, Mary finira ses jours en prison, probablement morte misérablement de la fièvre jaune en avril 1721, à l'âge de 31 ans. Et Jack Rackham et ses hommes furent bel et bien pendus. « Si tu avais combattu comme un homme, tu ne serais pas maintenant pendu comme un chien ! » Ceci furent les dernières paroles qu'entendit Rackam de la bouche d'Anne. Fin de l'histoire. Oui mais, pas pour Anne. Graciée la veille de noël par le gouverneur, on ignore ce qu'il advint de la suite de sa vie. Il existe plusieurs hypothèses, que je ne vais pas détailler ici, mais que vous pouvez aller voir .

Mary Read, démontra en quelques décennies, qu'une femme pouvait être l'égale de l'homme. Montrant beaucoup plus d'ardeur dans sa vie que nul autre. Choisissant une voie que peu suivirent. Battaillant avec ferveur, au péril de sa vie. Et offrant, malgré elle, la voie vers la parité.


* Beaucoup de suppositions en effet, mais les faits rapportés proviennent généralement de carnets de bord de pirates retouvés.

Le paragraphe en italique provient directement du site .dark-stories.com

Pour en revenir à la chanson Mary de Cécile Corbel (chanson qui m'a inspirée pour la rédaction de cet article). L'harpiste bretonne a choisi quant à elle, « d'imaginer un préntendant resté au pays, attendant la belle Mary en vain tandis qu'en mer, elle rêve de trésors et d'aventures lointaines. ». Mary est disponible sur son album SongBook Vol. 2.

Laura Aupiais

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